La Collégiale d’Uzeste est classée Monument Historique depuis 1840.
Sur des bases romanes du XIIème siècle encore visibles, la nef et le chœur gothique ont été élevés au début du XIVème siècle ; le sanctuaire roman était alors le lieu d’un pèlerinage marial : les jeunes mères et les nourrices venaient demander à la Madone d’Uzeste de favoriser leur lactation. La source auprès de laquelle elles se rendaient existe toujours. Les armes de la famille de Got y sont sculptées à l’envers, de sorte que leur reflet dans l’eau permette de les lire dans le bon sens. Il y avait à cette époque une statue de vierge allaitante aujourd’hui disparue. C’est Bertrand de Got, fils du seigneur d’Uzeste et de Villandraut, archevêque de Bordeaux devenu pape en 1305 sous le nom de Clément V, qui décide de reconstruire l’église dans le style gothique qu’on lui connaît puis de l’ériger en Collégiale en la dotant d’un collège de douze chanoines chargés de veiller à son entretien. L’architecte chargé de cette reconstruction pourrait être Jean Deschamps qui a par ailleurs travaillé à Bordeaux et Limoges.
En 1314, dans son testament qu’il rédige quelques jours avant sa mort, Clément V demande à être inhumé dans la collégiale.
Particularités de la collégiale : les voûtes sexpartites peu présentes dans les édifices religieux de sud de la France. De nombreux éléments romans (statue d’évêque bénissant, chapiteaux, linteau du porche d’entrée…) ont été réutilisés lors de la reconstruction voulue par Clément V. On peut admirer le tympan gothique, surmontant le linteau roman conservé, représentant le couronnement de la Vierge, malheureusement martelé durant les guerres de religion, présentant encore des traces de sa polychromie d’origine.
A l’intérieur de l’église,
– le gisant du pape, en marbre blanc des Pyrénées,
– la statue d’évêque bénissant (travail roman autour de 1210-1230), probablement fondateur ou bienfaiteur du monument reposant sur une console soutenue par des figures nues accroupies en atlantes « citation romane » exprimée en gothique « gascon » datant du dernier tiers de XIII° siècle (1260-1290),
– le gisant du chevalier de Grailly, fils cadet du captal de Buch.
– la statue de la Madone, travail contemporain de la collégiale mais qui n’est pas la statue d’origine,
Ces trois statues ont été martelées au cours des guerres de religion, lors du saccage de l’église et de la profanation du tombeau en 1572.
– Les chapiteaux gothiques, quant à eux, représentent les créations d’Adam et Eve, Dieu leur donnant le paradis (pile nord entre la deuxième et la troisième travée), la chute, le sacrifice d’Abraham et des scènes burlesques.
L’exécution du gisant pourrait être un travail des Ateliers de Limoges. Une hypothèse qui retient le nom du sculpteur italien Arnolfo di Cambio, mais celui-ci est mort entre 1302 et 1310, avant que soit décidée l’exécution du tombeau. On se sait pas si un élève ou un collaborateur des Ateliers de Limoges aurait pu s’inspirer de ses œuvres ou d’un de ses projets. On n’a pas trace d’une commande de Clément V pour son tombeau. Un dais d’orfèvrerie réalisé par un artisan d’Orléans, Jean de Bonneval, sommait le tombeau qui, initialement, se trouvait au centre du chœur, à l’actuel emplacement du maître-autel.
Les bas-reliefs en albâtre et les colonnes de jaspe qui entouraient le tombeau ont été détruits lors du saccage de 1572. Le clocher accolé au nord du bâtiment est une tour romane, probablement défensive à l’origine, dont subsistent des meurtrières et un système défensif à l’intérieur. Cette base est contemporaine du premier édifice roman ou peut-être antérieure. Une très belle frise de masques sculptés romans orne le haut de cette tour. Au XV° siècle, des baies dans le style gothique ont été aménagées, quatre gargouilles ont été installées dans la frise romane et une flèche dans le style gothique voulu par Clément V a surmonté la tour et abrité des cloches. Une tourelle escalier a été accolée dans l’angle nord-ouest afin de desservir ce nouveau clocher.
Les remarquables vitraux du XIXème siècle sont du maître verrier bordelais Joseph Villiet. Ils représentent des scènes de la vie de la Vierge (sa présentation au temple, l’Annonciation, l’adoration des Mages, sa Gloire…), des épisodes de la vie de Bertrand de Got ( son baptême, Clément V en prière, sa mort…) et deux mécènes important : le pape Clément V offrant la construction de la collégiale à la Madone et le Cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, offrant au XIX° siècle la restauration de l’édifice.
Au début du XIXème siècle la collégiale, privée de desservant, était désaffectée. Un inventaire rédigé en 1806 par le curé de Préchac, à la demande de l’archevêque de Bordeaux, décrit ce qu’il restait après la Révolution et le départ des chanoines chassés par celle-ci : un maître-autel en bois sculpté et doré, et un retable très abimé représentant la Vierge. Il n’en reste rien de ce mobilier aujourd’hui.
On remarque à l’extérieur, sur la façade sud, deux cadrans solaires. Le premier donne l’heure solaire, le second est en fait un cadran canonial qui indique le temps des prières (Primes, Tierces, Sextes, Nones, Vêpres), les Laudes (avant le lever du soleil) et les Complies (après son coucher) ne pouvant figurer.
Depuis 1616, la collégiale d’Uzeste fait l’objet d’un pèlerinage votif de la ville de Bazas qui, atteinte d’une épidémie de peste, avait fait le vœu, si Notre Dame d’Uzeste la sauvait, de venir tous les ans en procession de 8 septembre avec son évêque et ses échevins.
Le village d’Uzeste,
au cœur des Hautes Landes Girondines, carrefour d’axes commerciaux entre Bordeaux, Bazas et les Landes, a compté au XVIIIème siècle jusqu’à 1 200 habitants ( ~400 aujourd’hui).
C’est actuellement une commune de 26,05 km2 située entre le Bazadais à l’est, le Sauternais au Nord-ouest et la forêt des Landes de Gascogne au sud. Son activité principale, longtemps agricole (polyculture et élevage) et sylvicole (gemmage et exploitation des bois), est désormais essentiellement sylvicole.
Selon certaines sources, le nom d’Uzeste viendrait de « la petite Uzès », ville d’origine de la famille de Got qui l’aurait fondée vers 1150. Selon d’autres sources, l’étymologie serait gauloise (élève).
La région était déjà connue à l’époque romaine et une hypothèse situe à proximité l’une des villas d’Ausone Herediolum.
Le village a connu un développement important au Moyen-Age, du fait du pèlerinage à la Vierge allaitante. Une manufacture de chemise avait même été créée afin que les pèlerines puissent les tremper dans l’eau de la source.
L’élection de Bertrand de Got, enfant du pays, au pontificat, la reconstruction du sanctuaire et sa dotation d’un collège de chanoine ont accru son importance. La puissante famille d’Albret a, à plusieurs reprises, fait des dons importants à la collégiale. Mathe, fille d’Amanieu VII d’Albret, donatrice d’une croix en argent, a été inhumée devant la chapelle de la Madone.
Bertrand de Bordes, camérier du pape, ancien évêque d’Albi, a lui aussi été enterré en 1311 dans la collégiale. Et l’on peut encore voir au fonds de l’église, dans le transept nord la pierre tombale du chanoine Dulau, datant du XVIII° siècle.
Le pape Clément V
Bertrand de Got, né à Villandraut ou à Uzeste en 1264, évêque de Saint-Bertrand-de-Comminges puis archevêque de Bordeaux, est élu pape en 1305 à Pérouse et prend le nom de Clément V.
En 1309, après avoir longtemps sillonné son ancien archevêché puis les Etats Pontificaux, il s’installe « provisoirement » en Avignon, Rome étant alors livrée aux désordres entre Guelfes et Gibelins et aux rivalités entre les grandes familles de l’aristocratie romaine. Ses successeurs y demeureront cependant pendant 68 ans et construiront le Palais des Papes.
Le procès des Templiers, à l’instigation du roi de France Philippe le Bel, s’est déroulé durant son pontificat et s’est conclu par la suppression de l’Ordre du Temple, décision prise par le Concile de Vienne en Dauphiné en 1312.
Les templiers
Créé au début du XIIème siècle, après la prise de Jérusalem par les Croisés, l’Ordre du Temple est né des conditions d’insécurité sur les routes menant à Jérusalem, des meurtres, des viols, de l’esclavagisme, dont étaient victimes les pèlerins non armés. Il était composé de combattants, chevaliers et sergents, qui observaient une règle monastique cistercienne adaptée par Saint Bernard de Clairvaux. Durant ses 200 ans d’existence, il a activement participé aux combats en Terre Sainte, tirant les moyens financiers nécessaires du très important patrimoine foncier européen provenant de dons, structuré et géré par les commanderies.
Le procès des templiers
L’arrestation en France des Templiers, par ordre du roi Philippe le Bel à l’aube du vendredi 13 octobre 1307 et l’instruction judiciaire brutale menée par l’Inquisition dans les jours qui ont suivi, aboutirent à de nombreux aveux obtenus sous la torture, faisant apparaître des comportements déviants supposés chez ces moines soldats dont la raison d’être avait disparu depuis la chute de Saint Jean d’Acre en 1291. Le pape, qui avait des doutes sérieux sur les charges contre les templiers et leurs aveux, reprit, au compte de l’Eglise, l’instruction judiciaire, l’étendit à toute l’Europe et conclut par la suppression de l’Ordre du Temple, décision approuvée par le Concile de Vienne en Dauphiné en 1312, sans pour autant condamner l’Ordre du Temple ni les templiers.